Novembre 2014, Barcelone.

Les années sont passées très vite. Nous sommes en 2014, et le dernier article a plusieurs années maintenant. En relisant les différents passages, ça m'a rappelait de nombreux souvenirs (et les fôtes d'orthographe m'ont fait mal aux yeux.. enfin bon..).

Pour ceux qui se le demandent, je vais vous raconter comment se sont passées les années suivantes.

La deuxième année.

La deuxième année était beaucoup mieux. L'objectif du concours change un peu les choses. On travaille efficacement, non plus pour les notes, mais uniquement pour les concours. De plus l'année est courte, et dès Janvier on sent que ça approche grandement. Si vous passez la première année, n'arretez pas maintenant, ça serait trop bête. Le plus dur est fait.

Les concours et les écoles.

Les concours se sont très mal passés pour moi, ayant eu 5 en AEH ESCP, l'épreuve phare de BCE. J'ai été admis à Euromed Marseille suite aux épreuves, et une autre vie commence. A vrai dire, il y a beaucoup plus à dire sur les écoles de commerce que sur la prépa, et ça aurait mérité un deuxième blog. On a surtout beaucoup de mal, après la prépa, à comprendre ce que l'on apprend dans une ESC. On attend un apprentissage académique, on regrette qu'il y en ait pas. Puis on comprend, quand on commence à travailler, que le monde académique est très loin du monde professionnel. Une école de commerce est là pour nous apprendre à nous démerder en toute situation, à parler pour rien dire, et à rencontrer beaucoup de gens.  Hors de nombreux ex-prépa ne le comprennent pas, et ne l'acceptent pas. Certains arretent les ESC, d'autres se réorientent.. Il assez dur d'imaginer que faire la fête en école est une composante essentielle de notre scolarité, car cela nous permet de rencontrer beaucoup de monde. Et c'est tout ces gens qui nous aideront, petit à petit, à débuter notre carrière. Et qu'à l'inverse, apprendre qui est Hofstede (ce que l'on fait en Finlande par exemple), ne nous sert absolument à rien en entreprise. Une ESC nous apprend un métier, on attendait une culture.

Bref, suite à la prépa, j'ai passé 2 ans à Marseille, puis une année de césure à Paris (contrôle de gestion) et au  Luxembourg (audit). J'ai enchainé par un double-diplôme en Finlande, à Vaasa, puis un stage de fin d'étude à Paris (analyste financier). Maintenant je suis en vacances à Barcelone pour 2 mois en attendant que débute mon VIE de 18 mois (volontariat internationnal en entreprise) à Dakar pour une grande banque française sur un poste d'auditeur interne.

Bilan

Au final, toute ma scolarité s'est très bien passée : j'ai eu un bon premier emploi sans problème (et dans le contexte actuel c'est déja beaucoup), je vais beaucoup voyager, une carrière très ouverte où je suis encore libre de faire pleins de choses. Mais durant toutes ses années, seule la prépa m'a vraiment appris quelques choses.  Seule la prépa m'a enseigné la philosophie, l'économie, les langues et les mathématiques. Au quotidien, quand on parle de la crise économique, du chômage, ce sont mes cours de prépa qui me permettent d'avoir une reelle compréhension du sujet. Quand on parle de Dieu, de la politique ou de la liberté, ce sont mes cours de philosophie de prépa qui m'ont donné une capacité de réflexion, et des bases pour justifier mes idées. Quand j'ai fait mon double diplôme, c'est la prépa qui m'a appris à manier aussi bien différentes langues.

On va pas se cacher que si vous ne visez pas une parisienne, il est BEAUCOUP plus simple de passer par une Licence/DUT puis de faire une admission parralèle. Vous aurez moins à travailler, vous pourrez voyager d'avantage, faire beaucoup plus la fête et atteindre une meilleure école. Il y a aucun doute à ce sujet. Mais vous n'aurez jamais eu l'occasion de vraiment voir ce que vous valez. Vous n'aurez jamais appris ce que vous pouviez apprendre. Et ne croyez pas que la culture s'aquiert seule : personne ne fait des variables aléatoires ou étudie Heidegger pour le fun. Et  c'est parce que vous dépasserez vos envie, en apprenant une somme astronomique de choses qui ne vous interresent pas que vous allez vraiment changer. Et à vrai dire, on le voit rapidement quand on parle à des gens qui n'ont pas fait prépa.

Enfin un dernier mot sur les écoles. Quand on est en prépa, on fait toute une histoire sur les écoles, et c'est normal. On ne veut pas tomber dans la même école que son camarade qui est beaucoup plus mauvais que soi. L'école nous apparait comme le révélateur de son niveau : on veut le prestige, on veut atteindre le mieux. Cependant, dans le monde du travail, clairement on s'en fiche. Il existe une certaine différence entre les parisiennes et les autres pour certains métiers élitistes, le conseil notamment. Mais pour le reste, ça n'avance pas à grand chose. Vous avez des HEC qui font de l'audit à Deloitte avec des ESC Dijon, et finalement c'est normal. J'ai des camarades de promo en Graduate Program, d'autres en VIE, beaucoup d'autres en galère au chomage ou dans des postes à la con : chacun gère sa carrière, l'école ne le fera pas pour vous. Alors avoir la meilleure école possible, oui ! Khuber pour une meilleur école, oui ! Mais pour les bons motifs ! "Je veux une école mieux classée, car je sens en moi que je mérite mieux et que je vais le regretter sinon.". Mais ne le faites pas pour votre carrière/salaire/opportunité, car la plus-value sera vraiment minime. En tout cas beaucoup moins que d'utiliser cette année de khube à faire un VIE, un double-diplome, à apprendre le japonnais, une prep-ENA, une licence de droit ou un tour du monde. La prépa c'était bien, mais y a la vie qui attend derrière !

Bonne chance à tous.


L'Epicier.
(Je répondrai à toutes les questions durant les 3-4 prochaines années, promi!)

 Bon, je vais monter un tout petit peu le niveau du blog en abordant une question polémique : la prépa est-elle élitiste ? J’ai abordé cette question avec mon prof de maths, qui m’a répondu directement : « oui. »

Alors est-on vraiment dans la méritocratie républicaine que je souhaite ? Oui et non.

Premièrement oui, car les prépas sont gratuites, et les écoles aussi (sauf les écoles de commerces… je me demande toujours pourquoi, sachant qu’elles dépendent des CCI). Elles sélectionnent sur les dossiers de lycée qui sont eux-aussi gratuits. Pour simplifier, un pauvre peut sortir de l’X ou de l’ENS sans n’avoir jamais rien à payer. Je connais plusieurs X et ESSEC venant de ma petite ville d’Auvergne. Donc le système marche.

Mais depuis on a eu Bourdieu, et on sait bien que culturellement les riches (et les fils de profs) sont avantagés. Que quand tout petit on regarde du Godard, Capra ou Bergman plutôt que du Besson on part avec un avantages que n’ont pas les autres. Je suis tout à fait d’accord, mais je pensais qu’au contraire que la prépa permet de lutter contre ça. Nos profs nous emmènent à l’Opéra, on découvre des grands auteurs…

Le système des prépas est quand même élitiste et inégalitaire. En effet, les élèves des grandes prépas parisiennes donnent la majorité des futurs HEC ou Normaliens. Car ils sont tout simplement mieux préparer que nous : ils font du hors programme, et les épreuves à HEC sont souvent hors-programmes ; leurs DS sont tirés des annales d’HEC/ESSEC, quand les nôtres viennent plutôt d‘Ecricome etc. Quels problèmes me direz-vous ? Ben tout simplement que ces élèves viennent souvent des meilleurs lycées parisiens, qui eux-mêmes viennent des meilleurs collèges parisiens, qui viennent des meilleures écoles primaires parisiennes.

Mais est-ce vraiment les meilleurs élèves ?

Mon prof, Normalien, et ex-Louis-le-Grand, me le disait : « C’est vraiment pas dit que j’aurais intégrer l’ENS en venant d’une petite prépa. »

Le problème est le même pour toutes les prépas en générales… Quand j’ai distribué les feuilles pour les bourses étudiantes, je savais bien que ça ne concernait que 2-3 élèves. On est en pleins Bourdieu comme dirait mon prof d’AEH.

Je finirais quand par expliquer que les prépas c'est pas non plus remplis de riches. Dans ma classe, l'énorme majorité vient des classes moyennes. Et je pense que c'est souvent comme ça.
 

Alors que faut-il ? Discrimination positive à la Pipo Paris ? Une prépa à la prépa comme à Henri IV ? (suis-je le seul à réaliser l’absurdité du truc ?)  Une suppression des prépas ? (suffit de voir la situation à Dauphine pour se dire que non)

C'est pour beaucoup une période difficile. On m'avait prévenu : en janvier tu vas déprimer. Étant d'une nature plutôt optimiste, je m'inquiétais pas trop, surtout que j'étais prévenu ! Et bien ça n'a pas manqué ! La rentré de Janvier a été très difficile.
Déjà parce que je n'avais pas envie de revenir en cour, et rebosser... (Un peu comme le blues du dimanche soir X100). Ensuite parce que je n'avais rien fait du tout pendant ces vacances, et que j'étais sur de souffrir pour rattraper mon retard. Ca n'a d'ailleurs pas manqué : j'ai très peu dormis les 2 premières semaines, si bien que, et c'est la 1er fois que ça  m'arrive, je ne suis pas allé en cours (enfin j'y suis allé juste pour 1h pour un DS) le vendredi car j'étais trop fatigué physiquement... Faut voir le coté positif : je connais maintenant mes limites : 2 semaines sans vraies nuits à tourner au Gurosan est mon maximum. Et je pense que sur ma santé ça n'a pas du faire du bien... je ne recommencerai pas.

Et j'ai eu un effet bien plus pervers encore. Comme cette période de cours ne dure que 5 semaines. Je n'ai quasiment rien fait les 3 semaines qui ont suivi. Ce qui est difficilement acceptable en prépa.

Mais cette période est importante pour moi car j'ai réalisé une chose importante : je commence à me faire des amis ! Bon je n’ai pas envie que ce blog devienne une chronique de ma vie sentimentale et affective, néanmoins, je ne sais pas si c'est le fait d'être interne, ou celui d'être en prépa (ou les 2). Mais j'ai vraiment trouvé des gens biens. Qui m'intéresse et que j'intéresse. Ca peut sembler con à dire, mais ce n’est pas si facile à dénicher ! D'un coté ça peut sembler normal, vu que les gens qui sont dans la même filière que moi, ont à peu près la même motivation/centre d'intérêt/instruction.
Mais c'est en pratique loin d'être courant. J'ai ainsi une très bonne amie en ECS (d’un autre lycée) qui a beaucoup de mal à comprendre les autres, qui sont beaucoup trop superficiel, et qui se croient supérieurs car riches.
En même temps ce sont des ECS...

Ah oui, parce qu'il faut que je vous parle de ça. Il existe une certaine rivalité entre les sections en prépa dans mon lycée. Ca reste néanmoins très bon enfant (cf.: http://www.youtube.com/watch?v=wylkSmP0z8Y&feature=related le Bio Krass hebdomadaire). Pour faire simple, les ECE aiment les khâgneux (en même ce sont les plus intéressants et il y a beaucoup de filles..), n'aiment pas les ECS (mais sont souvent ensemble... car c'est comme ça), sont indifférents avec les Bio (BCPST), et détestent les Taupins (PC, PT, PSI, MP...).
Je répète, ça reste très bon enfant, juste question de se vanner au self ou en sport.

Donc pour revenir au sujet, j'avoue avoir peur de tomber sur ce genre de personnes en école. J'ai posé la question à un élève d'HEC, et il m'a dit qu'il y avait des péteux, mais qu'il y avait aussi des gens biens... comme partout. Mais je suis tout de même triste que la prépa HEC ait cette image... Si ça vous inquiète, je vous rassure, vous trouverez bien des gens comme vous... comme j'en ai trouvé !

Même si ce n’est pas marrant tout les jours, je continue tout de même à vous conseiller la prépa. Pourquoi ?

Alors, cette partie ne concerne que moi et ne peut pas être généralisée aux autres. Mais la prépa HEC apporte avant tout de la culture. C'est extrêmement stimulant intellectuellement. J'ai commencé à lire, tout ce que j'aurais du lire au lycée. Et j'aime ça! Ca va d’Orwell à Zola ou à Platon. Grâce à un partenariat entre le lycée et l'Opéra, on a des concerts de musique classique et d'opéra offert. Ce qui m'a permis de découvrir la musique savante (et je n'écoute plus que ça aujourd'hui...). Et j'ai pu continuer ma passion pour le cinéma, en allant au cinéma 2 fois par mois en moyenne (la présence d'un cinéma art/essai et aussi un plus que je n'avais pas dans ma petite ville natale).

Les cours de culture générale sont vraiment très intéressants, et m'ont permis de mieux comprendre le monde. Je sais, ça peut sembler difficile à croire, mais quand on comprend que l'idée que "la vérité vaut mieux que le mensonge" n'est qu'une croyance (un postulat plutôt),  ou que l'individu n'est qu'une création récente, on remet plus de chose en question... et on devient donc plus libre... C'est pour cela que je ne comprends pas cette idée que la prépa "formate", je ne me suis jamais autant senti un être à pars qu'ici. C'est la première fois que je comprends qu'elles sont les limites du capitalisme ou de la consommation, grâce à Marx, Lénine ou Proudhon. Attention, je ne dis pas que les élèves de ma classe ne sont pas à 85% UMP, mais aux concours, on recherche des gens qui ont de la personnalité, qui savent qui ils sont et surtout pourquoi.

Vous allez aussi commencer à découvrir ce que sont que les mathématiques, et vous allez réaliser deux choses : premièrement que vous n'aviez jamais fait de maths, et ensuite soit que vous êtes frustré d'en connaitre si peu en voie HEC, ou sinon que vous êtes content d'être en ECE et pas en MP*.
Le programme ECE est plutôt léger (pas de complexe, pas de trigo, pas de géométrie), mais c'est très loin d'être facile pour autant. Et surtout, ce qui est vraiment le plus dur, c'est que les résultats ne reflètent pas le travail.

Tout le monde n'est pas égaux en maths, et certains qui travaillent tout les jours 2 semaines avant le DS de maths, et qui ont refait tout les exercices 3-4 fois auront 4/20. Et d'autres qui ne bosse que 2-3 jours avant (dont je fais parti, et j'en suis content... mais pas fière) auront un 10/20.
Mais ne vous inquiétez pas pour ça. Si les profs voient que vous travaillez, ils vous laisseront passer en seconde année (sauf si vous être dans une prépa qui fait plus attention à ses résultats qu'à ses élèves... ce que je ne vous souhaite pas). Et vous aurez quand même une bonne école (les maths font 1/3 du coeff pour les Parisiennes).

Je trouve que tout ça résume bien la prépa : c'est dur, c'est souvent chiant (oh!), mais ça nous apporte beaucoup.